Sorti en 2009, le documentaire français (avec une pointe de Québec) La Domination Masculine plonge le spectateur dans la chair même de ce qu’est l’inégalité des genres. Il ne s’agit pas d’un documentaire explicatif, mais de l’accumulation et de la mise en résonance de témoignages divers qui, surtout, laisse la place à trois catégories que l’on entend rarement dans notre bulle féministe : le commerce, les hommes et les masculinistes.
Inutile de dire que le premier et les derniers n’en sortent pas grandis.
Je pense que le tour de force de Patric Jean réside en deux points.
Tout d’abord il me donne furieusement envie de lire le livre de Bourdieu dont il tire son titre (je suis très hermétique à la philosophie, surtout aux essais écrits)
Ensuite il nous fait rentrer dans son thème par la porte drôle et sympa : le pré-générique suit un homme qui va se faire agrandir le pénis. C’est pathétique, douloureux, et on sent déjà que ce n’est pas l’homme, caractère masculin, qui sera ici le coupable de tout. Puis on passe par la société genrée avec ses deux exemples les plus parlants : les jouets et le salon de l’automobile, soit les jouets d’imitation de ménagère et les mannequins d’un côté, les jouets d’« imagination » et les acheteurs/clients de l’autre. Pour quelqu’un qui est déjà familier du thème, on est en terrain connu. Pour quelqu’un qui ne s’est pas encore posé de questions sur le féminisme, l’introduction est excellente et sans demie mesure.
Et puis le documentaire glisse vers le Québec, son avancée, son féminisme politique… et le massacre de Lépine à l’école polytechnique de Montréal en 1989. Jour où Marc Lépine arriva dans la grande école, sépara les élèves, choisit d’en tuer certaines (l’actualité d’aujourd’hui arrive ici en écho douloureux). Que des femmes. Que des femmes qu’il avait identifiées en tant que féministes. Cet assassin fut à la fois présenté comme un malade mental (pour rejeter comme cause de sa violence sa haine des femme) et comme un modèle par les masculinistes (avec une « belle » apparition, dans le documentaire, d’Eric Zemmour à propos de la « violence civilisée du couple »)
Patric Jean met en parallèle ces témoignages d’hommes masculinistes avec des scènes et témoignages à l’accueil d’un centre d’aide aux femmes battues.
Ce sont des moments rares. Des moments de télévision d’une force qu’il est difficile de retrouver ailleurs.
La Domination Masculine met les points sur les i sur deux sujets : le féminisme est aussi une affaire d’homme ; et le féminisme n’a pas de « petits » combats.
Un beau et dur documentaire à voir de toute urgence.